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Faux souvenirs : Peut-on se fier à notre mémoire?


Derrière la barre des témoins, vous vous tenez devant le juge. Vous affirmez avoir vu cette femme quitter la banque armée. Vous vous souvenez qu'elle portait un habit de jeans et des souliers noirs. Elle mesurait environ 1m70, avait les yeux bleus et les cheveux bruns. Ces informations pourraient contribuer prouver la culpabilité de cette femme et l'envoyer en prison. Mais peut-on vraiment se fier à votre témoignage? Est-ce que votre souvenir du crime est représentatif de la réalité?

Comment se remémore-t-on un souvenir?

Pour se remémorer un évènement il faut d'abord le vivre (eh oui!). Si on essaie, par exemple, de se rappeler d'un numéro de téléphone, on suit ces étapes :

La boucle récupération-reconsolidation se fait à chaque fois qu'on ramène un souvenir en mémoire. Donc, chaque fois qu'on récupère le souvenir, c'est une occasion de le déformer et de le reconsolider de cette façon. Alors, plus on ramène un souvenir fréquemment, plus il risque de se déformer.

Désinformation

Un souvenir peut être modifié par une nouvelle information. Lorsqu'on est exposé à ce nouvel élément, notre perception du passé peut changer. Pour le démontrer, des chercheurs ont montré une image de deux voitures qui viennent de faire un accident.

Puis, ils séparent les participants en deux groupes et posent à chacun une question légèrement différente.

Les participants à qui on a posé la question en disant que les voitures se sont frappées (groupe hit) ont estimé qu'elles roulaient à 55km/h (34 mile/h) et ceux qui avait le mot écrasé (groupe smashed) on plutôt pensé que les voitures allaient à 64 km/h (41 mile/h)! Une semaine plus tard, ils ont revu les mêmes participants et leur ont demandé sans remontrer l'image:

Une plus grande proportion du groupe smashed se souvient avoir vu de la vitre brisée sur l'image même si, en réalité, il n'y en avait pas. On voit alors que l''intensité du mot utilisé pour décrire la scène modifie la perception du souvenir de cette dernière.

Souvenirs d'enfance

Des souvenirs d'évènements qui se sont produit il y a plusieurs années peuvent encore nous sembler très vifs et réel. Par contre, certains de nos souvenirs d'enfance sont probablement modifiés, et peut être même que certains ne se sont simplement jamais produits.


Un chercheur a tenté, dans le cadre d'une étude, de créer de faux souvenirs d'enfance. Il a montré aux participants de vrais photos d'eux lorsqu'ils étaient enfants (les photos étaient fournies par leurs parents) et le participant devait décrire l'évènement qui lui était rattaché. Parmi ces photos, une était fausse : un Photoshop du participant dans une montgolfière. Le participant, en voyant la photo, avait de la difficulté à se souvenir de l'évènement puisqu'il ne l'a jamais vécu. Le chercheur lui demandait alors de fermer les yeux et essayer de s'imaginer l'évènement dans sa tête. Après un moment de réflexion, 35% des gens disaient se rappeler de l'évènement et, après deux autres entrevues comme celle-là, la moitié des participants arrivaient à décrire l'évènement comme si ça leur était réellement arrivé.


Qui m'a dit ça?

Parfois, on arrive à bien se souvenir d'une information, mais nous oublions d'où est-ce qu'elle provient. On peut, par exemple, penser que notre mère nous a raconté une histoire, mais c'était un collègue. La source de l'information peut sembler être un détail anodin, mais dans certaines situations, confondre l'origine de nos connaissances peut affecter notre perception de la réalité.


Pour mieux comprendre ce phénomène, on a demandé à des participants de lire une liste de nom d'inconnus, puis de répondre à un questionnaire contenant des noms connus et des noms d'inconnus parmi la liste lue en indiquant pour chaque nom si c'est une célébrité ou non. Peu d'erreurs sont commises.

À un autre groupe, ils leur demandent seulement de lire la liste de noms inconnus. Le lendemain, ils reviennent pour identifier parmi une nouvelle liste contenant les noms qu'ils ont lu la veille et le nom de personnes réellement connus quels sont les noms connus. Comparativement au premier groupe, le fait d'attendre une journée a augmenté le taux d'erreur. On croit que l'erreur vient de la source, car ces participants pensaient que le nom leur était familier parce que c'est celui d'une personne connue, mais en réalité c'était parce qu'il avait lu son nom la veille.

De cette façon, on peut avoir le souvenir qu'une personne est connue lorsqu'elle ne l'est pas. On peut aussi plagier en pensant que nous somme la source de l'idée lorsque, en réalité, c'est un souvenir de l'idée d'une autre personne.

Vérité illusoire

L'effet de vérité illusoire, c'est l'effet de la fluidité d'une information sur notre jugement. Une information à laquelle nous sommes souvent exposée peut nous sembler plus vrai, et donc, dans certains cas, modifier nos souvenirs en ce sens.


De canot à bateau

Pour observer l'effet de notre culture sur le rappel de l'information, on a fait lire une légende amérindienne canadienne à des anglais d'Angleterre. On leur a demandé à des intervalles de plus en plus longs de raconter la légende selon ce dont ils se souviennent. La dernière version contenait beaucoup de références anglaises qui remplaçaient les éléments culturels canadiens. Par exemple la légende comprenait des gens qui se déplaçaient en canot, et les britanniques se souvenaient qu'ils se déplaçaient en bateau.

La puissance des attentes

On tire souvent des conclusions sans avoir les informations en se basant simplement sur notre expérience. Si on fait lire des phrases, puis on réécrit ces mêmes phrases sans les verbes, on voit que la personne va utiliser des verbes selon les inférences qu'elle a faites. Par exemple, si on lui fait lire : ''Le karatéka a frappé la planche.'' parmi plusieurs phrases, puis qu'on lui demande de se souvenir du verbe : ''Le karatéka a _____la planche''.

Le participant se souvient souvant que le karatéka a cassé la planche, puisqu'on a fait le lien que selon notre expérience, un karatéka frappe sur une planche pour la briser, mais en réalité tout ce qu'on sait, c'est qu'il l'a frappé. En faisant ce genre d'inférence dans notre quotidien, on peut se créer de faux souvenirs puisqu'on a mal interprété ce qu'on nous a dit.


Schéma

Un schéma c'est l'idée qu'on se fait d'un concept suite à une accumulation d'expériences par rapport à lui. On peut construire un schéma mental de pratiquement tous les noms communs du dictionnaire. Par exemple, mon schéma de l'école contient des cahiers, la cloche qui sonne à la récréation, des bureaux, des horloges et bien d'autres éléments que j'ai appris à associer avec l'école. On a tous une image qui nous vient en tête lorsqu'on pense à une école et selon les éléments qui s'y trouve, nous nous créons des attentes.

On a étudié l'impact des schémas sur notre mémoire des évènements. On demandé aux participants d'attendre pendant 30 secondes dans un bureau en leur disant qu'on voulait s'assurer que le participant précédant avait quitté. C'était un prétexte pour que la personne soit dans le bureau sans prêter une attention particulière à ce qui s'y trouve. On l'a ensuite amené dans une autre pièce et on lui a demandé de se remémorer les objets qui étaient présents dans le bureau. On a observé que plusieurs objets qui n'étaient pas présent ont été nommés puisqu'ils font partie du schéma habituel d'un bureau. D'ailleurs, 30% des participants ont dit se souvenir avoir vu des livres, mais il n'y en avait pas un seul. Ces schémas affectent donc nos souvenirs en modifiant certains détails qui les compose en fonction de ce avec quoi nous les associons au fil du temps.


On se fie beaucoup sur notre mémoire pour prendre des décisions même si, dans certaines situations, elles peuvent avoir une importance crutiale sur notre vie ou celle d'autrui. Un témoin occulaire convaincu peut donc penser se remémorer certains détails, mais en réalité il cré ce souvenir à partir des questions que les policiers et les avocats lui ont posé, du contexte, de ses connaissances, de sa culture et de sa façon de percevoir le monde.

 
 

Sources

Goldstein, E. B. (2018). Cognitive Psychology (5e éd.). Cengage.


Lupien, S. (20 février 2020). Faux souvenirs : les effets du cannabis sur la mémoire. Radio-Canada. https://ici.radio-canada.ca/premiere/emissions/penelope/segments/chronique/155803/cannabis-fausse-memoire-souvenirs-sonia-lupien


Spinney, L. (7 mars 2017). How Facebook, fake news and friends are warping your memory. (545,7644), International weekly journal of science. https://www.nature.com/news/how-facebook-fake-news-and-friends-are-warping-your-memory-1.21596?WT.mc_id=TWT_NatureNews

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